Utilisés au quotidien pour pianoter, naviguer, collaborer et s’isoler, les équipements sans fil se multiplient depuis quelques années dans les bureaux. Un succès qui repose en grande partie sur la mobilité croissante des salariés et les modes de connexion simplifiée des technologies wifi et bluetooth. La prolifération de ces appareils pourrait-elle saturer les ondes et ralentir nos environnements de travail tout connectés ?

Sans fil : faut-il craindre l’embouteillage des bureaux connectés ?

On ne les voit pas et pourtant ils sont partout, dans les bureaux, dans les maisons, dans les transports… Ces signaux qui permettent au casque audio de se connecter sans fil à l’ordinateur, au smartphone de capter internet, au collègue d’envoyer un document via l’Air Drop de son Iphone. La plupart des périphériques et systèmes sans fil qui transmettent aujourd’hui de l’audio, de la vidéo et des flux de documents s’appuient sur le wifi ou le bluetooth. Deux technologies trentenaires qui utilisent principalement les ondes radiofréquences de la bande 2,4 GHz (voir « Késako le signal ? »). Bluetooth 3, 4 puis 5, Wifi 4, 5 et 6 : plusieurs générations de normes se sont succédé en l’espace d’une dizaine d’années afin d’exploiter de façon optimale ces fréquences. Sous l’effet des avancées technologiques, le nombre d’équipements empruntant ce canal a lui aussi augmenté, contribuant à la banalisation du sans fil. Faut-il pour autant craindre un raz-de-marée des appareils fonctionnant à distance et, avec lui, la saturation de nos environnements de travail connectés ? Serons-nous condamnés à essuyer des pertes de signal répétées et à enchaîner les difficultés à jumeler nos périphériques ? Sans pour autant verser dans l’excès du syndrome de l’an 2000, la question se pose à l’ère du bureau connecté. Un sujet que les fabricants de matériel prennent très au sérieux, dès la phase de conception de leurs produits.

Le bluetooth s’adapte

Selon le fabricant suisse Logitech, ces « environnements bruyants » sont amenés à se multiplier et poussent les fabricants à innover. Afin de contourner ces problèmes d’interférences, le spécialiste des périphériques a développé son propre protocole basé sur le bluetooth, intitulé Logi Bolt : « Des protocoles simplement conçus pour la vitesse étaient adaptés il y a dix ans, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui en raison du bruit croissant sur les réseaux sans fil. On pourrait faire la comparaison avec une Ferrari coincée dans un embouteillage : Logi Bolt, lui, s’apparente davantage à un SUV. Le matériel et l’algorithme que nous avons développés lui permettent de quitter la route pour maintenir une liaison fiable tout en préservant un haut niveau de sécurité », explique Laurent Gillet, directeur responsable de l’ingénierie des logiciels embarqués chez Logitech à propos de la technologie Logi Bolt. 

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Késako le signal ?

Un signal permet de transmettre des informations à distance. L’information codée est envoyée depuis un appareil émetteur vers un récepteur et se propage sous forme d’ondes électromagnétiques à différentes fréquences (exprimées en hertz). Concrètement cela permet, lors du clic gauche sur une souris sans fil, de transmettre l’information à l’ordinateur connecté en bluetooth qui va la décoder et effectuer l’action correspondante – donc le clic gauche. Dans le cas des périphériques et systèmes sans fil au travail, les informations transitent le plus couramment sur deux types de fréquences : la bande de fréquences 2,4 GHz (utilisée par le bluetooth et le wifi) et la bande 5 GHz (pour le wifi).

« De nombreux profils prédéfinis (des cas d’usage) sont implantés dans la norme bluetooth : ils permettent aux fabricants de produits d’ajouter des actions telles que la synchronisation d’un répertoire, les commandes de pause, d’avance rapide du son ou encore de transfert de fichiers. À l’inverse du bluetooth, qui est très fermé et standardisé, le wifi est un protocole de communication qui permet de nombreuses options de personnalisation. » - Florent Bouchoux, Picogear. 

 

Le bluetooth reste en effet une norme – régie et supervisée par l’organisme Bluetooth SIG – qui met parfois du temps à évoluer et à intégrer de nouveaux cas utilisateurs. Plus récent que le bluetooth classique, le BLE (bluetooth low energy) compile un ensemble des protocoles simplifié : son accessibilité et sa flexibilité en faisant une option très prisée des fabricants qui peuvent y ajouter leurs protocoles propriétaires. Une stratégie qu’a adopté Florent Bouchoux, fondateur de PicoGear et ingénieur spécialiste des systèmes sans fil, qui permet de développer plus rapidement des systèmes performants : « Pour augmenter la portée et améliorer le signal de mes micros PicoMic2, j’ai utilisé un chipset (un jeu de puces électroniques, ndlr) permettant de faire du BLE en y ajoutant un protocole complètement personnalisé que j’ai appelé Wav/Sync ».

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« De nombreux profils prédéfinis (des cas d’usage) sont implantés dans la norme bluetooth : ils permettent aux fabricants de produits d’ajouter des actions telles que la synchronisation d’un répertoire, les commandes de pause, d’avance rapide du son ou encore de transfert de fichiers. À l’inverse du bluetooth, qui est très fermé et standardisé, le wifi est un protocole de communication qui permet de nombreuses options de personnalisation. » - Florent Bouchoux, Picogear.

Dongle ou pas dongle ?

Perte de connexion, jumelage difficile, basculement de périphériques impossible : les problèmes d’appairage sur nos appareils sont monnaie courante. Les fabricants de PC se contentent souvent du service minimum en matière d’intégration du bluetooth. L’utilisation d’un dongle, ce module USB miniaturisé, permet de contourner ces difficultés. Exit les soucis de compatibilité matérielle après une mise à jour, le dongle se comporte comme un micro-contrôleur indépendant qui se charge de connecter un périphérique tout en en cryptant les données.

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Rififi sur les fréquences

Si l’on reprend l’analogie automobile, rien ne sert aux appareils bluetooth de savoir naviguer d’une fréquence à l’autre si toutes les voies sont occupées par des poids lourds ralentissant la circulation. Le wifi reste le principal responsable des environnements bruyants puisqu’il occupe une part importante de la bande passante. Empruntant la même bande de fréquence 2,4 GHz que le bluetooth, il peut créer des interférences. « La bande 5 GHz a notamment été ouverte pour le wifi afin de décongestionner le traffic sur la bande 2,4 GHz, explique Florent Bouchoux de PicoGear. La portée est plus courte - plus la fréquence est élevée plus elle s’atténue rapidement avec la distance – mais le risque de brouillage diminue fortement. » Ces deux technologies très complémentaires continuent d’évoluer, en France et en Europe, sous l’œil attentif de l’Arcep et de l’Agence nationale des fréquences (ANFr) et de la Communauté européenne. Un cadre harmonisé d’utilisation qui évite tout conflit entre les équipements sans fil. Pour l’utilisateur final, l’enjeu porte davantage sur le choix des produits et la qualité des composants, les véritables garants de la bonne transmission du signal.

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Puissance et portée d’émission

Pourquoi perd-on parfois le signal sur nos enceintes connectées, outils de collaboration sans fil et équipements individuels ? Une question d’autant plus importante à l’ère de la mobilité, des modes flex office et de la multiplication des espaces flexibles. Ceux qui ont déjà levé leur smartphone en l’air pour capter du réseau l’ont appris à leurs dépens : faire le pied de grue en tendant le bras pour espérer se rapprocher du signal ne sert à rien, il vaut mieux se déplacer et s’éloigner des obstacles en dur ! « Plus le matériau est dense, moins il laisse passer les fréquences », explique Nicolas Bernard, directeur général de l’intégrateur audiovisuel Alive Technology.

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La bonne réception d’un signal émis par bluetooth ou wifi dépend de la puissance d’émission. En France, afin de limiter la portée et le risque de brouillage, l’Arcep a fixé à 100 milliwatts (mW) la puissance d’émission. Dans les faits, les émetteurs wifi exploitent bien ce potentiel ce qui assure une bonne portée du signal, mais la plupart des fabricants de produits équipés du bluetooth utilisent le bluetooth basse consommation (BLE) de classe 2, dont la puissance ne dépassent pas 10 mW et ne couvre qu’une quinzaine de mètres maximum. La portée représente ainsi une donnée importante qui figure sur la plupart des fiches des équipements sans fil. « La robustesse dépend évidemment de la qualité des composants et du matériel mais aussi et surtout de l’environnement dans lequel l’utilisateur se trouve, poursuit Nicolas Bernard. C’est à ce niveau qu’intervient l’intégrateur. Notre expérience des configurations variées nous permet de connaître la portée réelle d’un système sans fil. Une couverture souvent bien différente de celle ­annoncée sur la fiche technique ».

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