Embarqué dans la transition numérique des entreprises le courrier doit aujourd’hui opérer sa mue. Sa gestion manuelle, chronophage, source d’erreurs et coûteuse est aujourd’hui repensée à l’aune des flux documentaires. Les spécialistes de la dématérialisation peuvent désormais compter sur les nouveaux modes de travail et la mobilité pour en faire un véritable point d’entrée et de sortie du flux d’informations digitales des entreprises.

La gestion du courrier comme levier de la dématérialisation

Le début de l’année 2023 a sonné le glas de l’iconique timbre rouge de La Poste qui permettait à chacun d’envoyer des lettres prioritaires en vingt-quatre heures. Le petit rectangle de papier écarlate est depuis remplacé par des e-Lettres rouges. Rédigées ou numérisées au format PDF depuis le site internet de La Poste, elles sont ensuite imprimées par le groupe à proximité du destinataire et mises sous pli avant distribution le lendemain. Un changement qui peut paraître anecdotique mais qui, à l’échelle de la société, acte le passage à une forme de communication massivement numérique : « La lettre rouge telle qu’elle existe aujourd’hui ne correspond plus aux usages », observait sobrement le groupe dans un communiqué en juillet 2022. Dans les faits, le recul du courrier physique est vertigineux. Selon Ouest-France, le volume des échanges est effectivement passé de 17 milliards de plis envoyés en 2008 à 7,3 milliards en 2020, soit une baisse de 60 %. Avec une chute spectaculaire de - 19,5% au pic de la pandémie en 2020, enregistrée par l’Observatoire du courrier et du colis de l’Arcep.

Au sein des entreprises, ce phénomène s’inscrit plus généralement dans un contexte de réduction de l’utilisation du papier au profit des outils digitaux (voir notre dossier p. 16). Un mouvement vers la dématérialisation que la crise sanitaire a accéléré : « Les freins psychologiques ont été levés. Les entreprises prennent aujourd’hui conscience de l’impératif à s’équiper en solutions qui leur font gagner du temps sur les processus internes », constate Jean-François Biot, ingénieur avant-vente chez Pitney Bowes, fournisseur des services et solutions de gestion du courrier et des documents. En témoigne le recours croissant à la signature électronique : une étude de Markess by Exaegis révélait que 64 % des entreprises et organisations publiques s’étaient déjà dotées d’une solution de signature électronique en 2021 et anticipait même un pourcentage de 87 % en 2023. Ce fonctionnement modifie sensiblement la relation client et impacte durablement les flux de courrier puisqu’il implique l’échange et la signature de contrats directement au format numérique.

Un cadre légal qui pousse à la dématérialisation

À partir du 1er juillet 2024, la loi finances, promulguée en 2020, imposera aux grandes entreprises d’émettre des factures électroniques (dont les données sont directement interprétables par une machine). Cet horizon est fixé à 2025 pour les ETI et 2026 pour les petites entreprises qui pourront continuer d’ici là à recourir au papier par courrier ou au PDF par mail. « Cette réforme fixe un cadre très spécifique à nos actions de dématérialisation puisque c’est une obligation qui concerne toutes les entreprises françaises. Dans le même temps cela implique qu’elles doivent être en mesure de recevoir ces factures et de les archiver », rappelle Jean-François Biot, ingénieur avant-vente chez Pitney Bowes. Au-delà de l’enjeu fiscal de la réforme lié à la TVA, l’un des objectifs est de simplifier le traitement des documents et d’accélérer la transition numérique des entreprises. Réduction des coûts de traitement, maîtrise des délais de paiement, pilotage accru…Ce « gain de simplification » est évalué à 4,5 milliards d’euros pour 4 millions d’entreprises par le ministère de l’économie et des finances. Une aubaine pour les spécialistes de la gestion du courrier.

Si l’évangélisation des organisations en matière de dématérialisation avait déjà débuté depuis plusieurs années, en ce qui concerne le courrier la prise en charge reste encore trop souvent basique et limitée aux flux entrants. Face à la poussée du numérique et la diversité des formes d’informations, les entreprises se sont en effet attachées à gérer principalement l’afflux de documents physiques et numériques. Il reste encore cependant du chemin à parcourir.

Selon une étude menée par Archimag en 2021, 69 % des organisations continuent d’opérer manuellement ce processus chronophage de gestion des plis entrants et ne disposent pas d’une salle de courrier numérique. Un décalage de plus en plus problématique au regard des obligations légales sur la dématérialisation (voir encadré) et des exigences du RGPD sur l’archivage et la sécurité des données personnelles. Pour les entreprises qui ont franchi le pas aussi, la mise en place de solutions de GED ou d’ECM ne s’accompagne pas forcément de la numérisation intelligente du courrier entrant qui améliore pourtant la valeur des informations en interne.« L’externalisation permet de soulager les entreprises des coûts liés à la gestion et l’expédition du courrier », Philippe-Arnaud Morel, Docaposte.

« L’externalisation permet de soulager les entreprises des coûts liés à la gestion et l’expédition du courrier », Philippe-Arnaud Morel, Docaposte. 

La flexibilité pour optimiser les coûts

Reste que pour les acteurs de la gestion du courrier, la priorité se situe d’abord autour du flux sortant. « Les organisations accusent aujourd’hui un retard important dans ce domaine », observe Jean-François Biot. Un constat qui pousse les spécialistes à développer des offres et des services afin d’inciter les entreprises à externaliser et se libérer des contraintes d’impression, de mise sous pli, d’affranchissement et de maintenance. « Pour les grands comptes, nous avons mis en place une plateforme multicanale SaaS capable de capter et diffuser les courriers sous forme de mail, de SMS, de messages vocaux, de recommandé électronique et de papier classique tous formats. Pour accompagner les TPE, PME, nous avons développé une solution spécifique pour gérer ces contraintes qui s’appelle Maileva », détaille Philippe-Arnaud Morel, responsable marketing produit flux sortants et plateforme multicanal chez Docaposte. Un argument économique d’une part puisque l’externalisation permet « de soulager les entreprises des coûts liés à la gestion (logiciels, maintenance…) et l’expédition (machines d’affranchissement, de mise sous pli…) », et d’autre part de gagner en productivité en éliminant les tâches superflues pour les équipes.

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Dépasser une gestion à deux vitesses

L’avancée en ordre dispersé sur le courrier entrant d’une part, et le retard à combler sur le sortant d’autre part, révèle que les entreprises doivent encore progresser sur leur approche globale. « Il est important de dépasser cette distinction entre l’entrant et le sortant. D’où la nécessité pour nous de proposer des offres hybrides et évolutives qui encouragent la maturité numérique de nos clients », précise Jean-François Biot de Pitney Bowes. Le développement des politiques de gestion documentaire amène de fait à dépasser cette distinction. Technologies de reconnaissance de caractères (OCR), reconnaissance et lecture automatique de (RAD et LAD), automatisation (RPA) pour la capture et l’extraction de données… Le potentiel des offres proposées par les spécialistes du traitement du document reste encore sous-exploité notamment chez les petites entreprises. En 2022 selon IDC, 51 % des entreprises de 50 à 199 salariés restent sans projet d’équipement pour l’automatisation des workflows documentaires, contre 27 % dans celles de 200 à 499 employés.

 « La dématérialisation touche l’ensemble des processus métiers et intervient à plusieurs niveaux de l’entreprise » Jean-François Biot, Pitney Bowes.

Adopter un fonctionnement sans couture

Pour les acteurs de la filière courrier, les systèmes d’automatisation servent pourtant à poser le premier jalon d’une politique globale de dématérialisation. L’hybridation des modes de travail et la collaboration à distance donnent en ce sens un nouvel élan à la gestion électronique du courrier. « La dématérialisation touche l’ensemble des processus métiers et intervient à plusieurs niveaux pour le travail collaboratif, les bulletins de paie, les factures, les contrats… Les entreprises réfléchissent encore trop souvent en silos, en agrégeant les outils : elles manquent de vision transverse », remarque Jean-François Biot de Pitney Bowes. Fondées en majorité sur le cloud, les solutions digitales permettent de maîtriser la totalité de la chaîne de la gestion du document. Celle-ci va du courrier, quel que soit son mode d’acheminement (interne, postal, messageries), jusqu’à sa duplication en passant par son classement et son archivage. « Gérer le courrier et disposer d’un accès aux documents quel que soit le lieu de travail, ou le site sur lequel se trouve le salarié est un formidable atout pour la mobilité. L’activité se poursuit de façon tout à fait transparente, il n’y a que la gestion manuelle qui disparaît » , poursuit Jean-François Biot.

51 %

des entreprises de 50 à 199 salariés restent sans projet d’équipement pour l’automatisation des workflows documentaires.

source : IDC, 2022

Accompagner la transformation

Docaposte, Quadient, Pitney Bowes, Koesio, Doc’Up, Xelians… : de nombreux acteurs issus de divers horizons se spécialisent aujourd’hui dans la dématérialisation et l’externalisation de services. Qu’ils soient à l’origine éditeurs de logiciels, fabricants de machines pour les salles de courrier ou entreprises de services du numérique (ESN), ils se positionnent comme des prestataires et déclinent des offres pour la gestion du courrier et des documents. « Lors de la mise en place de ces outils, nous sommes parfois confrontés à des réticences : pour les responsables du service courrier, cela implique de changer les habitudes. Qu’est-ce qu’une imprimante virtuelle ? Comment y déposer les courriers ? Pour répondre à toutes les interrogations il est nécessaire de former et d’accompagner les équipes », rappelle Philippe-Arnaud Morel de Docaposte. Un facteur essentiel qui reste le garant du succès de la transformation numérique des entreprises. En filigrane, l’enjeu n’est donc pas de dématérialiser en vue de modifier les processus mais bel et bien d’améliorer les mécanismes en utilisant les possibilités qu’offrent les solutions digitales.

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