Ça coule de source, la prise de conscience écologique influe sur nos modes de consommation au quotidien. C’est également vrai au bureau où les spécialistes de l’eau doivent répondre à une demande plus soucieuse de l’environnement.

Depuis début octobre, il est possible pour chacun de remplir d’eau sa gourde gratuitement dans les cafés et restaurants de la capitale : objectif 500 établissements partenaires en 2022. L’initiative, portée par Eau de Paris, s’inscrit dans la mission zéro déchet plastique de la Mairie de Paris à l’horizon 2024. Plus généralement, cette action fait partie d’une volonté nationale d’accélérer la sortie du plastique jetable d’ici 2040, objectif notamment porté par la loi antigaspillage pour une économie circulaire (AGEC). Ce travail de fond, visant à changer les comportements de consommation dans l’Hexagone, se transpose aussi dans le milieu de l’entreprise. En janvier 2021, le texte a interdit la distribution gratuite de bouteilles en plastique (eau minérale, gazeuse et sodas y compris) sur les lieux de travail. Une deuxième vitesse législative enclenchée un an après la suppression des gobelets plastiques des bureaux en 2020. En conséquence, les entreprises se tournent aujourd’hui vers les solutions de fontaines à eau. Non seulement cela leur permet de respecter l’obligation légale imposée par la dernière mise à jour du Code du Travail de 2008, obligeant à mettre à disposition des employés un point d’eau potable et fraîche, mais aussi parce que proposer un service d’eau de qualité participe au bien-être des collaborateurs (voir encadré). « Les clients qui nous sollicitent sont souvent des entreprises soucieuses de leur image écologique. Il y a 5 ans, ce mouvement de la réduction des déchets plastiques avait été amorcé par les grands groupes et il se démocratise désormais chez les plus petites entreprises », observe Sonnie Gervais, directrice marketing chez Brita France. Rien d’étonnant donc à ce que les catalogues des acteurs du marché des fontaines à eaux déclinent leurs offres autour du développement durable. La traditionnelle fontaine à bonbonne est désormais reléguée au second plan, lorsqu’elle est encore présente au profit des solutions connectées au réseau.

Bonbonne VS Réseau

Entre ces deux modes de fonctionnement, le match écologique tourne court. Les bonbonnes sont pratiques et mobiles s’il n’y a pas de raccordement possible au système d’eau potable. En revanche, même si elles génèrent moins de déchets plastiques que les bouteilles individuelles, puisqu’elles sont réutilisables (un nombre limité de fois) et également recyclables, leur empreinte carbone reste élevée. Outre le fait qu’il consomme beaucoup d’énergie électrique, le processus de recyclage nécessite toujours l’apport de matière première : impossible de fabriquer une bonbonne entièrement à partir d’une autre. Reste enfin le coût, lié au transport.

À l’inverse, les fontaines sur réseau éliminent la problématique d’approvisionnement, de manutention régulière et de stockage de bonbonnes. La précision du système de filtration permet en plus de proposer une eau de la même qualité que celle des bonbonnes. « La technologie de microfiltration a permis d'améliorer le goût un peu chloré de l'eau ou d'éliminer le tarte de l'eau du réseau public », explique Anne Novelli, adjointe à la cheffe d’unité d’évaluation des risques liés à l’eau à l’Anses. Les fontaines profitent ainsi du raccordement direct au système d’eau potable de la ville. Ce qui évite toute stagnation de l’eau, propice à la multiplication de bactéries. Certains fournisseurs misent même sur l’écoconception comme Castalie qui estampille ses modèles selon la norme européenne E01-005, avec une fabrication à partir de matériaux recyclables issus de France et d’Italie.

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© Ron Lach - Pexels

L’eau « as a service »

L’autre intérêt de la fontaine sur réseau réside dans les options de personnalisation qu’elle permet. Côté fabricants et fournisseurs, c’est d’abord l’occasion de développer plusieurs gammes de produits, adaptées à toutes les tailles d’entreprises, et de proposer des services de location et d’entretien qui répondent aux besoins de différents secteurs d’activité. La gamme Capacity de chez Culligan propose par exemple un débit augmenté (150 litres par heure) idéal pour les lieux à forte fréquentation comme les cantines collectives ou les usines. Tandis que sa gamme Compact s’adapte davantage aux petits espaces. Chez Château d’eau, les robinets extérieurs et la zone de tirage cachés du modèle Niagara garantissent plus d’hygiène à destination des établissements de santé.

Pour les différents acteurs, l’enjeu est donc de positionner leurs offres de valeur sur le marché. Forte de son expertise historique, dans le domaine de la filtration depuis 1970, Brita fait figure de proue sur le créneau de la fontaine filtrante sur réseau. « Nous maîtrisons toute la chaîne de conception, depuis la recherche et le développement, jusqu’à la filtration en passant par la production, explique Sonnie Gervais. Ce qui nous permet de proposer Vivreau, un service poussé, clés en main, de fontaines réseaux et de contenants durables. Nous accompagnons les démarches RSE des entreprises avec une analyse des besoins et en réalisant des prélèvements en amont et aval pour les aider à calculer leurs économies d’eau et de plastique. »

« Il y a 5 ans, ce mouvement de la réduction des déchets plastiques avait été amorcé par les grands groupes. Il se démocratise désormais chez les plus petites entreprises. » Sonnie Gervais, Brita.

 

À savoir :

L’attestation de conformité sanitaire (ACS) certifie tous les composants d’une fontaine et atteste que le système garantit une eau propre à la consommation humaine. « En installant ces solutions, l’entreprise devient un traiteur d’eau, elle est donc responsable de la qualité qu’elle délivre. Juridiquement, elle est soumise aux règles du Code de la santé publique », détaille Anne Novelli de l’Anses. Ce qui implique que l’entretien de ce matériel doit être effectué, soit par l’entreprise elle-même, soit via le service de maintenance que propose le fournisseur.

Haro sur l’usage unique

Avec l’écologie en toile de fond, tous les fournisseurs surfent plus généralement sur la vague du réutilisable. À raison, puisque même le carton à usage unique a mauvaise presse depuis la polémique liée à la présence d’une fine pellicule de polyéthylène, donc de plastique, sur certains gobelets. Gourdes en inox, en verre, en aluminium ou filtrantes, le phénomène de l’alternative à la bouteille plastique gagne en popularité depuis dix ans auprès du grand public. Des start-up comme Gobi, Zeste ou Qwetch se sont lancées dans toute une déclinaison de produits allant de la gourde personnalisable à la bouteille isotherme, en passant par le bouchon infuseur.

Ce succès sur le marché BtoC a donné des idées à tous les experts de l’eau qui proposent systématiquement des contenants durables intégrés à leurs offres. « Beaucoup d’entreprises engagent des actions environnementales mais ne communiquent pas bien sur leurs initiatives. La crise sanitaire a accentué le besoin de mettre en valeur de ce qui est fait au sein des entreprises. Le fait de proposer une gourde ou une bouteille réutilisable avec un logo paraît anodin, mais ça leur permet de véhiculer leurs valeurs et de sensibiliser les collaborateurs », explique Mathieu Malgras, responsable de la section Grands comptes chez Castalie.

Eviter le gaspillage

Alors pourquoi jeter lorsqu’on peut réutiliser ? C’est précisément la réflexion d’une jeune start-up comme Auum : boire dans un verre son café ou son thé préféré, le poser dans leur machine qui nettoie, désinfecte et sèche (sans produits chimiques) avant de le récupérer sans attendre. « Deux centilitres d’eau vaporisée suffisent, là où le lavage au robinet en nécessite 100 fois plus et le lave-vaisselle 12 fois plus », détaille Clément Houllier cofondateur de la start-up. Le tout en conservant le côté pratique d’une consommation rapide, sans jeter et reprendre un gobelet. Moins pénible, plus écologique et aussi plus économique. La gestion raisonnée de l’eau potable est de plus en plus prise au sérieux par les entreprises. Sur l’adoption de la fontaine à eau comme alternative durable, les Français font figure de bons élèves en Europe, derrière les Britanniques et les Italiens. Selon l’Association française de l’industrie des fontaines à eau (AFIFAE), en France, le marché de la fontaine à eau représente 200 millions d’euros par an, un chiffre encore en dessous de celui de la bouteille en plastique qui, tous marchés confondus, s’élève encore à 2,5 milliards.

(Article issu du numéro 154)

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