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L’inflation constituera un défi de taille en 2023 pour les directions achats, prise en étau entre la crise énergétique, la hausse du prix des matières premières et l’inflation « opportuniste » de certains fournisseurs. « Les fournisseurs continuent d’inverser le rapport de force et les directions achats passent en mode défensif. Celles-ci subissent de plein fouet l’inflation et la renégociation des prix avec leurs fournisseurs. Jusqu’où ces relations vont-elles se dégrader ? », observe Olivier Wajnsztok, directeur associé d’Agile Buyer.
Aujourd’hui, 81 % des sondés (voir le panel en encadré) avouent que certains de leurs fournisseurs profitent du contexte pour augmenter abusivement leurs prix sans pouvoir les expliquer de façon rationnelle. Une situation qui ne concerne cependant pas de la même manière tous les secteurs. L’activité tertiaire reste moins touchée par les hausses du prix de l’énergie et des matières premières que celui de l’industrie et de l’agroalimentaire. Pour autant, presque neuf décisionnaires sur dix (87%) sont désormais forcés de renégocier les contrats avec leurs fournisseurs.
Le risque énergie
La flambée des prix du gaz et de l’électricité et les potentielles ruptures d’approvisionnement est une réalité qui touche quasiment toutes les entreprises. L’enjeu stratégique de l’achat d’énergie a poussé de nombreuses directions d’achats à anticiper ce risque afin de sécuriser leurs approvisionnements (68 % des répondants sont couverts à 50 % et plus sur l’énergie en 2023).
« La volatilité des cours de l’énergie implique une professionnalisation rapide des acheteurs dans ce domaine souvent négligé jusque-là. De mauvaises décisions dans ce domaine peuvent aujourd’hui se révéler fatales » Alexandre Billard, Directeur des achats chez Lumibird.
L’augmentation du prix de l’énergie représente notamment une inquiétude quant aux fournisseurs de matières premières : 38 % des directions d’achats craignent la disparition de leurs fournisseurs stratégiques. « Les fournisseurs, notamment les entreprises de taille moyenne auront certainement du mal à répercuter l’intégralité des surcoûts de l’énergie dans leurs prix de vente, générant une compression de leur marge, mais pourraient aussi se retrouver concurrencées par des entreprises produisant dans des pays où le coût de l’énergie est plus faible qu’en Europe », précise l’étude.
L’approvisionnement mieux maîtrisé
Dans le prolongement de la crise du Covid-19, la sécurisation de l’approvisionnement et la gestion des risques de pénuries restent un chantier important pour les acheteurs. En 2023, 71% d’entre eux anticipent des difficultés de livraison avec des fournisseurs stratégiques. Un chiffre en baisse par rapport à 2022 (79%) qui traduit une meilleure maîtrise d’approvisionnement chez les fournisseurs, et un système de livraison plus adapté de la part des distributeurs.
La relocalisation des achats constitue à ce titre une tendance forte, qui s’inscrit dans le prolongement de l’année précédente. Presque la moitié des directions achats l’envisagent en raison des crises successives : elles n’étaient que 25 % au pic de la crise sanitaire en 2020, 30 % en 2021 et 47 % en 2022. Si le premier objectif d’une relocalisation est la sécurisation des approvisionnements (cité à 33%), le souci de l’impact environnemental arrive en seconde position (à 24%).
Le risque Taïwan anticipé
« Est-ce une leçon apprise des précédentes crises non anticipées ? » questionne l’étude. Les tensions géopolitiques de plus en plus vives entre la Chine et Taïwan mènent aujourd’hui plusieurs directions achats des entreprises à se préoccuper de la fourniture de composants électroniques : 26 % des répondants ont élaboré un plan d’achats spécifiques en cas d’invasion du premier producteur de semi-conducteurs au monde par la Chine.
Le made in France a la cote
Considérée comme une zone de relocalisation privilégiée la France se place juste derrière l’Europe (respectivement 76 % et 81 % l’envisagent) au détriment des produits d’Amérique, d’Asie et d’Australie. Selon 36 % des directeurs d’achats, le pourcentage de produits français est un axe stratégique de réflexion de leur entreprise alors même qu’ils n’avouent n’avoir aucune contrainte pour l’achat du made in France.
Une progression tricolore qui s’explique en partie par le cadre légal de la loi AGEC, qui favorise le réemploi et le savoir-faire local en matière de reconditionnement ou écoconception. Dans ce domaine, le secteur public a davantage d’obligations que les entreprises du secteur privé : la loi AGEC oblige par exemple les acheteurs publics à intégrer des produits écoresponsables dans leur politique d’achat.
Des achats verts
Depuis le 1er janvier 2022, la réglementation française (décret 982-22) impose aux entreprises de plus de 500 salariés l'ajout du calcul des émissions indirectes principalement liées aux achats (le scope 3. Il s'agit de tous les achats de produits et services, de toute nature comme les fournitures de bureau, services informatiques, etc. L'Ademe estime que 50 à 90% des émissions de gaz à effet de serre sont liées à ce scope 3. Même si les entreprises sont de plus en plus conscientes de l’enjeu écologique, 68 % des directions achats ne connaissent pas l’empreinte carbone de leurs achats alors même qu’ils disposent d’objectifs liés à la RSE et au développement durable. Seuls 33 % des sondés mesurent l’empreinte carbone de leurs fournisseurs. « Calculer et suivre l’empreinte carbone de nos fournisseurs ne suffit pas, il faut aller plus loin et leur demander l’empreinte carbone de leurs produits », note Franck Le Guillou, directeur des achats chez Colas.
« Les achats responsables ne peuvent plus être la seule propriété de la Direction des achats. Il devient stratégique d’opérer un rapprochement étroit avec la Direction de la RSE pour convenir d’une démarche conjointe Achats –RSE permettant d’entraîner les parties prenantes tant à l’interne qu’à l’externe pour une contribution positive à l’atteinte des objectifs achats liés au développement durable et/ou à la RSE » Bertrand Pouilloux, Directeur des achats chez Enedis.
Sécurisation de l’approvisionnement et écoresponsabilité : dans le cadre des politiques d’achat RSE, la relocalisation, le reconditionné et le made in France constituent une solution pérenne aux différentes crises présentes et à venir.
La fonction achat en chiffres
82%
des directions achats ont vu leurs responsabilités renforcées à la suite des crises successives (crise sanitaire, ruptures d’approvisionnement...).
66 %
des répondants ont pour premier objectif la réduction des coûts, la contribution au résultat net en 2023. Une hausse de dix points par rapport à 2022.
44 %
des sondés placent la data en tête des outils qui font évoluer leur métier. Viennent ensuite l’automatisation des tâches (18%) et les outils collaboratifs (19%). Un signe que les achats se sont digitalisés.
59 %
Seront confrontés à des pénuries critiques pour leur entreprise. Un chiffre en baisse par rapport à l’année précédente (- 9 points) mais qui reste très important.
« Cette étude Tendances Achats 2023 intervient dans un contexte disruptif initialisé en 2020 par les différentes crises que l’on connaît. Trois ans plus tard, la fonction achats s’en trouve notablement renforcée dans son rôle stratégique, non seulement quant à la valeur des achats ramenée au chiffre d’affaires, ce qui était déjà le cas, mais dorénavant quant à la gestion globale des criticités achats de l’entreprise », Jean Potage, ex-directeur achats de Thalès, enseignant en management des achats.
Méthodologie de l’étude
Réalisée en fin d’année 2022 via un questionnaire en ligne, l’étude réunit un panel de 897 personnes exerçant dans les achats, tous secteurs confondus.
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