Alliés du flex office, les applications et sites de gestion d’espaces se démocratisent. Leur conception, particulièrement adaptée au mode de travail hybride, permet de cartographier avec précision l’occupation des bureaux des entreprises et de réduire les irritants liés à ce type d’organisation.

À côté d’une fenêtre, isolé dans un espace calme ou, au contraire, au cœur des équipes… imaginez réserver le bureau de votre choix comme vous réserveriez vos sièges pour un concert ou pour un voyage en avion. C’est le principe des plateformes dédiées au partage d’espaces qui fleurissent dans les entreprises en parallèle du développement du flex office. Issues généralement du monde des proptech (des technologies innovantes pour l’immobilier), ces logiciels de gestion sont particulièrement adaptés au mode de travail hybride. « La flexibilité de ce type de fonctionnement est intimement liée à la temporalité. L’organisation personnelle du temps passé au bureau ou en télétravail dépend de chacun : il faut pouvoir fournir les outils pour l’optimiser, explique Stéphane Seigneurin, fondateur de Sharvy. À l’origine, nous étions une solution de réservation de parking en entreprise appelée MyCarSpot. Mais il y a un an et demi, certains de nos grands comptes, installés en Italie en pleine crise sanitaire et donc fortement concernés par le télétravail, voulaient préparer leur retour au bureau. Ils nous ont demandé d’étendre notre système à l’ensemble des locaux. Nous avons donc développé toutes les fonctionnalités permettant de gérer aussi bien les postes de travail que le parking et la restauration d’entreprise ». Depuis, l’application et le site web développés par Sharvy servent de support pour la mise en place du flex office dans certaines entreprises.

« L’organisation personnelle du temps passé au bureau ou en télétravail dépend de chacun : il faut pouvoir fournir les outils pour l’optimiser » Stéphane Seigneurin, Sharvy.

Mesurer et ajuster

Le fonctionnement de ces plateformes repose sur le principe de la visualisation des espaces. Pour cartographier au mieux les bureaux, chaque solution intègre des indicateurs et des données statistiques capables d’évaluer le taux d’occupation des lieux en temps réel. Côté salarié, l’intérêt est de pouvoir identifier les zones fréquentées ou celles de retrait et, le cas échéant, de localiser un collègue en cas de besoin.

Mockup-app-main2.png
© Sharvy
À l'aide d'un design épuré, l'interface de Sharvy permet de visualiser d'un coup d'œil son profil de réservation.

Côté hiérarchie et managers, les données peuvent être anonymisées et servent de base au pilotage de l’activité selon la politique de télétravail de l’entreprise. Les plateformes Ubigreen et Semana vont même par exemple jusqu’à accompagner les structures dans leur transition en proposant une phase de diagnostic, avant un projet de réaménagement par exemple, pour bien évaluer les besoins. La solution Smart Office d’Ubigreen utilise des capteurs sans fil placés sous les bureaux ou au plafond pour cerner les habitudes et les usages des collaborateurs.

Éviter les écueils du flex office

En 2019, selon l’enquête Sociovision d’Actinéo, seuls 8 % des salariés avaient la possibilité de préréserver une place dans un fonctionnement flex office. Signe que ce n’est pas un prérequis à sa mise en place, un peu à la façon des antibiotiques, l’utilisation de la technologie n’est pas automatique « mais permet cependant une gestion plus fine de l’occupation de l’espace », analyse Christelle Bastard, directrice de recherche chez Cushman & Wakefield. Une technologie qui évacue ainsi plusieurs irritants notamment la course du premier arrivé, premier servi. C’est un fait, de nombreux salariés ont adopté un fonctionnement nomade qui oscille entre domicile, bureau et tiers lieu. Un mode de travail que le flex office pousse, quant à lui, à l’extrême en supprimant le poste de travail attribué au profit de postures dynamiques. Ce qui n’est pas sans provoquer réticences et inquiétudes : crainte de ne pas trouver une place agréable le matin, perte de temps, tensions entre collaborateurs, sentiment d’isolement et de désengagement… les risques sont multiples. « Nous avons un rôle de conseil auprès des entreprises.

Pour réduire ces désagréments, il est essentiel de les accompagner et de les rassurer en leur apportant une solution digitale », précise Arthur Saunier, responsable des ventes chez Witco. Pour les acteurs de la réservation de bureaux et salles de réunion à distance, la promesse est de fluidifier le fonctionnement flex office et d’évacuer l’idée qu’il existe des mauvaises places. En suivant la logique de l’espace de travail dynamique, ces outils se fixent pour objectif de permettre au salarié de choisir l’endroit le plus adapté à son travail. « Aujourd’hui, un collaborateur doit voir l’intérêt de retourner au bureau plutôt que de rester chez lui. Ce que permet la diversité des espaces : si un lieu n’est pas adapté à la tâche à effectuer, il suffit d’en changer », commente Mickaël Locoh, directeur général de Steelcase France. Le logiciel GoBright qui équipe les nouveaux locaux de Steelcase, dans le 9e arrondissement de Paris, associe à ce titre solution technologique et aménagement. Un module est incrusté dans les bureaux, ce qui permet à la fois d’en régler la hauteur, de le réserver via l’application ou directement sans contact avec le téléphone et enfin de signaler, par un signal lumineux, si la place est disponible ou non.

« Aujourd’hui, un collaborateur doit voir l’intérêt de retourner au bureau plutôt que de rester chez lui » Mickaël Locoh, Steelcase France

Intégrer la digital workplace

Au-delà de l’aspect fonctionnel de gestion d’espaces, la valeur de ces plateformes tient aussi dans leur capacité à intégrer un écosystème plus global. « Il existe beaucoup d’outils à adosser au flex office, mais peu finalement sont des outils de communication et d’information capables d’intégrer d’autres services. Les grandes entreprises notamment émettent ce besoin d’avoir plus qu’un simple outil de gestion des espaces de travail », détaille Arthur Saunier, responsable des ventes chez Witco. C’est notamment la particularité de cette start-up, crée en 2016 pour concevoir une solution de smart building. La plateforme étend la gestion de l’espace à celle des locaux jusqu’à orchestrer les services proposés par une entreprise (réservation d’espace, conciergerie, casiers connectés, cours de sports et de yoga, contrôle d’accès, etc.), mais elle comprend également des fonctions d’intranet (informations, évènements, remontée et suivi des incidents, etc.) et de réseau social d’entreprise (trombinoscope, forum, sondages, petites annonces).

« Il existe beaucoup d’outils à adosser au flex office, mais peu finalement sont des outils de communication et d’information capables d’intégrer d’autres services » Arthur Saunier, Witco

Difficile adoption

La compatibilité avec des systèmes comme celui d’Office 365 de Microsoft ou des messageries d’équipe style Slack est aujourd’hui un moteur de l’évolution de ces plateformes et surtout de leur adaptabilité selon les profils d’entreprise. Si l’idée est bel et bien de proposer des applications compagnons de poche, il n’en reste pas moins qu’en les enrichissant de fonctionnalités les différents acteurs en font des technologies complexes. Une part notable des collaborateurs des entreprises n’est pas née un smartphone greffé à la main. Et quand bien même ils le seraient, ces usages ne sont pas forcément intuitifs. « Il faut garder à l’esprit que la technologie, avant d’être un avantage, est d’abord un frein au tout début », observe Christelle Bastard de Cushman & Wakefield. De la même manière que le flex office et la digital workplace requièrent une certaine pédagogie pour adapter les pratiques de travail, le système de réservation d’espaces, de salles de réunion et de bureaux nécessite, lui aussi, un réel accompagnement. Une formation indispensable pour que ce coup de pouce digital soit réellement utile pour tous.

A lire aussi

Le flex office face à ses contradictions

Danièle Linhart : « la qualité de la collaboration ne dépend pas du confort des canapés »

Alain d’Iribarne : « Desk sharing, sans doute le compromis le plus intelligent »

 

">