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S’ils sont moins exposés que les livreurs ou les travailleurs du BTP, les salariés du tertiaire commencent eux aussi à souffrir de la répétition des épisodes caniculaires. Selon le cabinet CODA Stratégie, 36 % des immeubles de bureaux français ne seraient pas climatisés. Quelles sont les obligations des employeurs ? Et comment anticiper la multiplication des pics de chaleurs ? Décryptage avec Thomas Godey, avocat, spécialiste du droit du travail au sein du cabinet brl Avocats.

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Peut-on légalement travailler quelle que soit la température dans les bureaux ?

Contrairement à un pays comme l’Allemagne, aucun texte français ne fixe une température maximale au-delà de laquelle des mesures de protection seraient obligatoires. C’est donc aux employeurs d’évaluer le risque et de mettre en place la prévention nécessaire pour éviter tout incident, sachant que le moindre malaise doit être déclaré comme accident du travail. On ne trouvera pas dans le Code du travail un chapitre à part entière qui traite la problématique des fortes chaleurs. Il faut donc chercher dans les différents textes, y compris dans les fiches de l’INRS, les dispositions qui s’appliquent selon la situation des salariés, notamment s’ils travaillent en extérieur ou dans des bureaux. On va bien sûr trouver des prescriptions concrètes comme la mise à disposition d’eau fraîche ou la ventilation des locaux, mais l’important pour l’entreprise est d’adapter son organisation du travail pour prévenir les dangers associés aux épisodes caniculaires.

Que doit être la démarche de l’entreprise face à ces épisodes de canicule ?

Elle doit commencer par réaliser une évaluation des risques qui prendra en compte les postes, les tâches effectuées ainsi que les recommandations de la médecine du travail pour les personnes présentant des pathologies. Charge à elle ensuite de définir les mesures de prévention appropriées comme l’instauration d’horaires décalés, le report de certaines activités ou l’augmentation des fréquences de pause… Ce travail doit être formalisé et figuré dans le Document unique d’évaluation des risques et de prévention (DUERP).

Une démarche à faire d’autant plus sérieusement que le changement climatique va entraîner une multiplication de ces épisodes de fortes chaleurs…

Les entreprises sont encore trop souvent dans une logique de réaction face à ces événements : on attend la canicule, elle arrive et seulement ensuite, on s’organise, mais souvent sans consultation des élus et sans formation des salariés. Il est temps pour les entreprises de rentrer dans une démarche d’anticipation. Tout laisse effectivement penser que ces pics de chaleur vont se multiplier, mieux vaut donc dès maintenant intégrer cette réalité de façon pérenne dans l’organisation du travail.

Le télétravail peut-il faire partie des leviers à actionner en cas de températures extrêmes ?

Oui, dès lors que l’employeur considère que le travail au domicile permet de mieux gérer ces situations. Avec la pandémie, les entreprises ont été incitées à penser, en concertation avec les partenaires sociaux, un cadre de télétravail qui permette d’assurer la continuité de leur activité en cas des circonstances exceptionnelles. Or, toutes les entreprises sont loin d’avoir négocié de tels accords. Et celles qui l’ont fait avaient surtout à l’esprit le risque pandémique, les pics de pollution, mais plus rarement la question climatique. Dans les organisations les plus avancées sur ce sujet, on constate généralement deux manières de faire. La première consiste à doper de façon collective le régime général : plus de jours de télétravail pour plus de monde. La deuxième repose sur un principe de crédit individuel avec une enveloppe de jours supplémentaires affectés à chaque salarié pour répondre à certains cas de figure comme les grèves. Face aux pics de chaleurs, ce mécanisme permettrait une gestion plus fine des situations individuelles.

À chaque épisode caniculaire, la question revient : shorts, bermudas, tongs et plus globalement les tenues légères, sont-ils autorisés dans les bureaux ?

La liberté de se vêtir est fixée par les juges. Et l’employeur ne peut la restreindre en se contentant de dire « ça ne se fait pas de porter un bermuda ou des tongs au travail ». Il doit transmettre des objectifs clairs, qu’il s’agisse d’objectifs commerciaux, d’hygiène et de sécurité ou même de décence. On ne peut donc pas raisonner en termes de tenues autorisées ou interdites. Il revient à l’employeur d’être clair sur ce qu’il attend pour que chaque salarié puisse juger de la compatibilité de sa tenue avec la mission ou la tâche qui lui a été confiée.