En l’espace de deux ans, entre les avenants ou les textes spécifiques, une multitude de cadres ont été imaginés par les entreprises pour réguler le télétravail. L’heure est désormais à la pérennité de ce modèle. Les organisations peuvent ainsi compter sur le recul et les retours d’expériences pour négocier ou renégocier des accords plus en phases avec les réalités du quotidien.

Expérimenter, adapter et (re)négocier les accords télétravail

Comment encadrer le télétravail ? La question était posée par les entreprises, prises dans l’oeil du cyclone, en pleine pandémie de Covid-19. Le 6 novembre 2020, en prolongement de l’Accord national interprofessionnel (ANI) de 2005, cinq nouveaux articles sont venus préciser la mise en oeuvre du télétravail pour l’entreprise et les salariés : le double volontariat, la forme de l’accord, le refus du télétravail, la période d’adaptation et la réversibilité. Objectif : pousser les entreprises à négocier l’organisation en télétravail.

Au-delà de cette situation de crise, c’est la pratique pérenne de ce nouveau mode de travail qui est interrogée. Comment accompagner les managers et les équipes dans l’organisation du travail à distance ou en présentiel, comment réguler la charge de travail, contrôler l’activité, garantir la sécurité des salariés, prendre en charge les frais ? L’ANI met ainsi l’accent sur plusieurs thématiques dont l’importance du dialogue social, la prévention des risques professionnels, le droit à la déconnexion, le rôle des managers, l’adaptation des espaces. Autant d’éléments qui ont servi de base à la négociation et la construction des accords depuis deux ans. En 2020, 6 000 textes (accords et avenants), dont 1 000 spécifiques au télétravail, ont été signés et 2 700 (hors avenants) en 2021.

Capitaliser sur les bonnes et mauvaises pratiques

S’il n’existe pas aujourd’hui d’analyse statistique du contenu des textes, plusieurs études qualitatives, comme celles de l’Association nationale des DRH (ANDRH) ou de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), ont mis en lumière les points essentiels que l’entreprise doit traiter. Le premier élément concerne la phase de négociation. L’Anact constate ainsi que de trop rares accords ont été précédés d’une phase d’étude. Par ailleurs, l’évolution de l’organisation doit être pensée en amont et ensuite soutenue par un accompagnement et un suivi régulier (référents, comité, fiches d’évaluation, formations, etc.)

40 %

soit la part que représentent les entreprises de 50 à 250 salariés parmi les entreprises disposant de textes dédiés au télétravail en 2020

Source : étude Anact, 2021.

Le deuxième point de vigilance relève du cadrage. Les conditions du télétravail peuvent évoluer dans le temps (lieu, nombre de jours), de même que l’organisation du travail hybride (mixant présentiel et distanciel). Un trop grand nombre d’accords se cantonne pourtant à une simple transposition du bureau à domicile. Il est indispensable de conserver de la souplesse et de s’assurer que le télétravail ne s’applique pas de manière contrainte. Les périodes d’expérimentation et d’adaptation sont par exemple de bons garde-fous pour la pérennité du dispositif. Autre élément à considérer : les modalités d’équipement et l’utilisation des outils numériques.

Les questions d’usage (formation, partage de pratiques, etc.) sont à prendre en compte au même titre que la mise à disposition des équipements et la prise en charge des frais. Concernant l’usage des outils numériques, l’Anact alerte que même « si des modalités de sensibilisation sur le droit à la déconnexion sont présentes dans les accords, elles s’accompagnent rarement de réflexions sur les causes de la surconnexion. » Ce qui peut aussi être à l’origine d’une mauvaise régulation de la charge de travail. 

Aujourd’hui, deux aspects font encore défaut dans le contenu des accords. D’un côté, les pratiques managériales qui ne sont pas assez soutenues et accompagnées, de l’autre, la prévention des risques professionnels liée au télétravail, comme la gestion des risques psychosociaux, qui est encore trop peu développée. Un chantier que les entreprises devront poursuivre en 2022 et 2023, de concert avec les représentants syndicaux.

Article publié dans le numéro 158 d'Info Buro Mag.

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