
Quel est le rapport des Français au travail ?
Les sondages, études et enquêtes se succèdent en partageant un même constat : le monde du travail est depuis plusieurs années agité par de profondes mutations. De l’aménagement des postes de travail jusqu’à la sensibilité croissante des salariés en matière de QVT, en passant par les évolutions du management, le développement massif du télétravail et la mise en place d’organisations hybrides ont bousculé les repères des salariés. La « grande démission » et la « perte de sens » sont-elles pour autant des réalités qui s’observent concrètement chez les Français ?
En analysant les statistiques et croisant les résultats de son enquête auprès de 5000 répondants, l’Institut Montaigne cherche à se détacher de la perception des actifs pour se concentrer sur des réalités tangibles et chiffrées. L’association constate tout d’abord que la crise sanitaire n'a eu que très peu d’impact sur les critères de satisfaction au travail. L’insatisfaction des actifs se traduit encore dans trois principaux facteurs subjectifs : le niveau de rémunération (46 % des sondés se déclarent insatisfaits), le manque de reconnaissance général (38%) et l’absence de perspectives de carrière (41%). « Une nouvelle source d’insatisfaction, potentiellement clivante entre les différentes catégories de travailleurs, a fait son apparition : l’impossibilité de pratiquer le télétravail », précise également l’étude.
L’essor du télétravail
Le télétravail a sans aucun doute rebattu les cartes de la collaboration et marque une véritable rupture par rapport à l’avant-Covid. « 40 % des travailleurs pratiquent le télétravail au moins occasionnellement, et 33 % régulièrement (au moins un jour par semaine) contre seulement 7 % avant la crise sanitaire », rappelle l’Institut Montaigne. Même si cette organisation n’est pas applicable à tous les emplois et qu’il persiste des disparités importantes entre les métiers et les secteurs économiques, le télétravail reste plébiscité pour tous les avantages qu’il offre (autonomie, économie sur les temps de transport, efficacité…).
10 %
soit la proportion de CO2 émis par la circulation automobile et évité grâce au télétravail.
Temps et charge de travail
La pratique du home office a eu pour effet de faire voler en éclat les plages horaires classiques de travail. Six personnes sur dix déclarent ainsi travailler parfois après 20h ou le week-end. Le traditionnel format des 35 heures est quant à lui désormais remplacé par une durée moyenne hebdomadaire de 37h – pour les salariés considérant supporter une charge de travail « normale ». Un chiffre qui s’élève à 41h chez les indépendants.
En filigrane de ces changements se dessine également un nouveau phénomène d’hyperconnexion et de réunionite qui pose aujourd’hui question vis-à-vis de la santé des collaborateurs. Les difficultés relationnelles avec le management, la charge mentale ou encore le faible degré d’autonomie des personnes constituent les facteurs, là encore subjectifs, qui expliquent le ressenti d’une charge de travail excessive. Un sentiment qui peut pousser à envisager la reconversion professionnelle.
Une volonté marquée d’évolution professionnelle
L’étude soulève un décalage important entre les souhaits de mobilité professionnelle (à l’intérieur ou à l’extérieur des organisations) et la réalité des chiffres. Si 37 % des salariés souhaitent quitter leur entreprise dans les deux ans, ils sont 22 % à avoir envisagé une reconversion professionnelle sans pour autant franchir le pas : « d’autre part, on ne constate pas de diminution de l’ancienneté moyenne dans l’emploi occupé au cours des années récentes, ce qui signifie que la mobilité professionnelle ne s’accroît pas en France. » La « grande démission » qui a tant fait couler d’encre ne serait donc qu’un mythe, résultat d’une situation très favorable aux salariés sur le marché du travail et à la possibilité de rupture conventionnelle en vigueur depuis 2008.
Retraite et fin de carrière
L’absence de perspective de carrière, la difficulté de concilier vie privée et vie professionnelle sont en revanche des facteurs qui alimentent le débat sur l’âge de départ à la retraite. Au-delà des considérations politiques concernant la réforme amorcée par le gouvernement, l’étude observe un rejet massif et collectif du report de l’âge minimum légal : 48 % des travailleurs considèrent que l’âge actuel de 62 ans est déjà trop élevé et seulement 7 % des actifs ne l’estiment pas assez élevé (le profil type est une personne de profession CSP+, généralement de plus de 50 ans éprouvant un fort degré de satisfaction dans son travail).
14 %
Des salariés seraient prêts à travailler moins ou sur des fonctions différentes avant leur retraite quitte à être moins rémunérés
À noter qu’une minorité significative (20%) des salariés « serait prête à travailler moins ou sur des fonctions différentes, quitte à voir leur rémunération diminuer, que ce soit en occupant le même poste mais en temps partiel, via un changement d’affectation dans la même entreprise ou via un cumul emploi-retraite. Ce relatif pragmatisme ouvre la voie à des possibilités d’aménagements de fin de carrière au niveau de l’entreprise et des branches professionnelles », analyse enfin l’Institut Montaigne.
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