Luc de Brabandère détaille schématiquement les mécanismes de la pensée humaine basée sur le réel et les simplifications. Elle opère ainsi un mouvement perpétuel d'aller-retour de l'un à l'autre par la déduction ou l'induction. © La rédaction
Luc de Brabandère détaille schématiquement les mécanismes de la pensée humaine basée sur le réel et les simplifications. Elle opère ainsi un mouvement perpétuel d'aller-retour de l'un à l'autre par la déduction ou l'induction.
Le 21 mars 2024, l’Association des industriels de la papeterie et du bureau (AIPB) a réuni fabricants et distributeurs à Paris pour son rendez-vous biennal, dont la thématique était, cette année, l’IA et la créativité.

Près de deux cents acteurs de la filière se sont retrouvés au 3 Mazarium à l’occasion de la dix-huitième édition des Rencontres de l’AIPB. Un rendez-vous dans l’espace évènementiel adossé à l’Institut de France qui a été placé sous le signe d’une thématique d’actualité : « IA et créativité, la collaboration gagnante pour les entreprises de demain ».

« L’IA générative va transformer nos métiers », a ainsi déclaré la présidente de l’association Nadège Hélary (directrice générale de Staedtler France) dans son discours inaugural après avoir rappelé le poids de la filière qui compte plus de 150 marques et qui représente 1,4 milliard d’euros de chiffre d’affaires par an. Un secteur aujourd’hui en pleine évolution, marqué par la crise du Covid, la baisse du pouvoir d’achat, la hausse du coût des matières premières : les volumes ont décliné de 16 % en 9 ans. « L’intelligence artificielle peut faire peur, interroger et déchaîner les passions, mais elle peut également améliorer la créativité. Les consommateurs attendent aujourd’hui beaucoup d’informations sur les produits autant sur l’utilisation que sur la fabrication. L’IA va nous permettre de fournir plus facilement ces renseignements, et nous pourrons dans le même temps nous concentrer sur notre capacité à créer et enrichir l’histoire autour de nos produits et de nos marques », a conclu la présidente.

Pensée humaine, IA et production de contenus

Avenir du travail, création de contenus, droits voisins, possibilités d’automatisation… La curiosité et les débats autour de l’intelligence artificielle ne faiblissent pas. Afin de battre en brèche les idées reçues et défricher le champ des possibles de l’IA dans la sphère professionnelle, trois intervenants se sont succédé sur la scène de l’auditorium du 3 Mazarium après le discours de la présidente de l’AIPB. Le philosophe d’entreprise Luc de Brabandère s’est d’abord prêté à l’exercice de la réflexion philosophique pour décortiquer les mécanismes conscients et subconscients de la pensée humaine. Sa démonstration, appuyée par des exemples familiers pour les spécialistes du secteur, a notamment précisé la différence entre innovation et créativité : la première est la capacité à faire mieux la même chose, quand la seconde est la capacité d’un individu à voir autre chose. « Toute innovation rencontre un moment de fatigue […] La créativité est la condition pour relancer l’innovation. C’est ce qui distingue l’homme de la machine car il s’agit d’une caractéristique propre à la pensée humaine », a conclu le philosophe.

Martin Saive, cofondateur de l’agence Cartoonbase a ensuite pris le relai en présentant, de manière décalée, l’IA générative comme « un nouveau collègue très premier degré, hyper serviable, très intelligent mais dénué d’émotions, sans goût et qui ne dit pas toujours la vérité ». L’intervention s’est ensuite attachée à montrer que les algorithmes demeuraient des outils, qu’il faut considérer comme tel et avec lesquels il est nécessaire de se familiariser pour obtenir un résultat optimal dans la production de contenus.

Le cycle de conférences s’est enfin achevé avec Erwan Devez, consultant en neurosciences et neuromanagement, qui est revenu sur la complémentarité entre l’activité neuronale humaine et son rapport avec le numérique. « À plus forte raison en France, pays marqué par le doute, la philosophie cartésienne et par un goût prononcé pour le débat, nous balançons entre un rejet de principe ou une adoration aveugle en matière d’IA. Les champs de développement sont extraordinaires mais posent des questions majeures de société, sur notre rapport à l’autre, sur la déshumanisation. Il ne faut ni rester aveugle, ni rejeter, il faut comprendre ! ». Le spécialiste a ainsi invité l’auditoire à dépasser les craintes, les idées reçues et les positions manichéennes sur l’IA pour mieux saisir comment cet outil peut servir l’intelligence humaine.