« Il est temps de sortir de cette croyance qui consiste à voir le numérique comme un outil crée pour notre usage. »Découvrez l'édito du n°161 (Décembre 2022) d'Info Buro Mag.

Des millions de postes menacés par l’automatisation des tâches, des métiers de services remplacés par des robots et des algorithmes qui sauveront plus de vies en une heure qu’un chirurgien durant toute une vie… À chaque grande mutation technique, le mythe d’une destruction massive de l’emploi refait surface. Depuis une quarantaine d’années, l’informatique alimente à son tour le fantasme d’un chômage technologique qui toucherait désormais les métiers les plus qualifiés. 

Dans les faits pourtant, on ne voit encore ni substitution massive de l’homme par la machine, ni un choc de productivité comparable à celui qu’avait entraîné l’électrification. Au contraire. Depuis les années 1980, la croissance de la productivité du travail est quasi atone dans les pays occidentaux. En Europe, elle a progressé d’à peine 1 % par an ces deux dernières décennies. On est donc loin des promesses d’efficacité annoncées par les chantres de la dématérialisation. Les technologies numériques ont certes rendu obsolètes certains emplois faiblement qualifiés. Mais elles ont aussi engendré une nouvelle main-d’œuvre « ubérisée » qui révèle les limites de la « toute-puissance » algorithmique. Quant aux Gafam, ils nous vendent de l’accès à l’information, du pilotage, et de la communication sans qu’on sache réellement encore si ces solutions nous simplifient le travail ou si elles viennent complexifier un peu plus les process de production.

Il ne s’agit évidemment pas de nier la puissance phénoménale de ces techniques. Mais il est aussi temps de sortir de cette croyance qui consiste à voir le numérique comme un outil créé pour notre usage. La technologie n’est ni pour ni contre l’humain (même si certains en profitent plus que d’autres). La technologie est au service d’elle-même. Le monde algorithmique est un monde en soi avec ses stratégies propres et une autonomie parfois terrifiante. Et face à lui, nous avons tendance à nous comporter comme devant une divinité. Exploiter le formidable potentiel de ces techniques est bien l’objectif. Mais cela suppose que nous adoptions enfin des postures plus critiques face aux prêches qui nous promettent le paradis au bout de la transition digitale.

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