
Chloé Daviot : « En matière de télétravail, un bon fonctionnement en théorie ne l’est pas forcément en pratique »
Lisez notre article : Expérimenter, adapter et (re)négocier les accords télétravail.

6000 accords et avenants sur le télétravail ont été signés en 2020 et 2700, hors avenants, en 2021. Quelle différence entre ces textes d’une année à l’autre ?
Au cours de la crise, il y a eu deux profils d’entreprises. D’un côté, celles qui ont basculé en télétravail sans l’encadrer, qui réfléchissent aujourd’hui à l’inscrire dans leurs accords ou qui achèvent désormais les négociations. De l’autre, celles qui, en 2020, en ont profité pour négocier le télétravail, mais, dans l’urgence. C’est précisément dans ce cas qu’il existe des décalages : trop peu d’entreprises ont véritablement cerné les besoins des salariés et se retrouvent avec un système inadapté.
D’autant plus qu’il existe différentes façons de pratiquer le télétravail…
Il faut en effet distinguer trois types de télétravail : régulier, occasionnel et flexible. Le régulier, très présent dans les accords depuis 2020, concerne une situation de home office plusieurs fois par semaine. Le télétravail occasionnel repose sur l’attribution d’une enveloppe de jours de télétravail qui représente généralement un seul jour par semaine ou toutes les deux semaines. Enfin, le télétravail flexible, pour les demandes exceptionnelles. Le problème de ne pas encadrer ces trois typologies de travail à distance, c’est de se retrouver dans des situations inégalitaires entre les équipes où le télétravail est laissé à l’appréciation du manager. Ce qui peut provoquer des tensions.
Le manager semble être la clé de voûte de ce dispositif, comment l’épauler dans la gestion des risques et des contraintes ?
Il est le garant du collectif de travail et doit maintenir la communication au sein des équipes : son rôle est essentiel pour que les remontées de terrain puissent se faire. Aujourd’hui, on ne voit le télétravail que par les télétravailleurs, mais qu’en est-il de ceux qui n’y sont pas éligibles ? Ceux qui ne peuvent pas économiser les temps de trajet et en subissent le stress. L’accord doit permettre au manager de mettre en place un planning de roulement des jours télétravaillés pour limiter l’isolement des salariés. Enfin, derrière cette question, il y a un véritable enjeu sociétal : peut-on considérer qu’il y a un degré de pénibilité pour les non-télétravailleurs ?
Les choses se sont complètement inversées, c’est un signe fort que le télétravail est devenu la norme !
J’évoquais la notion de pénibilité du travail sur site, mais existe-t-elle toujours si le traitement de données sensibles de l’entreprise m’impose d’être au bureau ? Rien n’est évident. Autre exemple : si certains mettent en place des compensations pour les frais complémentaires en télétravail (eau, chauffage, électricité), d’autres se questionnent sur le versement d’une indemnité pour les salariés qui ne pourraient pas y avoir recours. Le télétravail peut devenir un sujet très discriminant, si l’on considère qu’il ne l’est pas déjà… C’est précisément pour cette raison que les accords doivent être revus régulièrement afin que les dispositifs soient équilibrés et pérennes.
Comment ajouter davantage de souplesse à cette organisation ?
Avant de construire un accord, il est essentiel de réaliser un diagnostic préalable, auprès des salariés, managers, CSE et IRP et faire preuve de transparence sur la stratégie de l’entreprise. Ensuite, lors de la phase de négociation, il faut admettre que l’on peut faire des erreurs et qu’un bon fonctionnement en théorie ne l’est pas forcément en pratique. La solution ? Prévoir une clause de revoyure, avec un comité de suivi sur toute la période d’adaptation. Cela permet de trouver le bon équilibre et, le cas échéant, d’ajouter des avenants visant à améliorer l’efficacité du système.
">Continuez votre lecture en créant votre compte et profitez de 5 articles gratuits
Pour lire tous les articles en illimité, abonnez-vous